Jean François Le Bitoux

Une lecture très personnelle du livre de Laurent Schwartz : La Fin des Maladies ? Une Approche Révolutionnaire de la Maladie, 2019, Les Liens Qui Libèrent

Le livre de Laurent Schwartz est un épisode de plus d’une saga contée dans ses ouvrages précédents dans un accompagnement scientifiquement structuré vers une porte de sortie et une grande bouffée d’oxygène.

Le sous-titre proposé, « Sapere aude ! », provient du livre. Page 17, l’introduction s’intitule « Sortir de l’ignorance » et, page 166, le paragraphe §30: « Le courage d’innover ». Leur traduction actualisée ne peut qu’être : Sapere aude ! Osez savoir ! La devise des Lumières !

Je dois afficher que vétérinaire/chercheur des élevages et des milieux aquatiques et ayant la chance de connaître Laurent Schwartz, il m’arrive d’être plus royaliste que le roi. De fait, le vétérinaire de campagne fait de la médecine métabolique à l’insu de son plein gré pour passer d’une espèce à une autre. Quel que soit l’animal concerné, il ausculte les grandes fonctions (digestion, respiration, immunologie, …) le plus souvent avant qu’une « maladie » ne se déclare. Il ne disposait à l’époque, dans les années 1950/70 que d’une vingtaine de molécules à l’arrière de sa 2CV et il prodiguait des conseils zootechniques avant même d’envisager une thérapie médicamenteuse. Par la suite et à la différence d’un chercheur en laboratoire, la pratique naturelle qui s’impose à toute médecine quelle que soit l’espèce, est qu’il faut renforcer les défenses naturelles et s’appuyer sur les énergies disponibles, pour lutter contre le déséquilibre pathologique et les dysfonctionnements observés, dont les mécanismes ne sont jamais totalement connus : il faut quand même soigner ! Reconnaissons que les animaux réagissent souvent mieux et plus vite que l’espèce Homo dite sapiens.

« Il faut contextualiser avant de hiérarchiser » dit Mona Ozouf, historienne des Lumières. En 2019, il y a encore un côté « Guerre des étoiles » dans la guerre contre les cancers, une autre saga des Jedi contre le mal. A quel épisode en sommes-nous ? J’oserai épisode 9 pour ouvrir un œil neuf sur cette série qui n’en finit pas. Ce livre s’inscrit dans une continuité de livres et d’articles, et dans un accompagnement international qu’il ne faut pas ignorer car il renforce chaque situation. Chacun cherche le soleil et l’essentiel à sa porte en fonction de son expérience. Et chaque expérience personnelle de la cancérogenèse est douloureuse.

En oncologie, le Web est un générique qui déroule sans fin des résultats succès et échecs, de manière continue avec plus de 500 publications par jour sous le mot « Cancer » sur le seul moteur de recherche PubMed. Sans même évoquer les cours, les conférences, les entrevues qui sont toujours riches d’informations, de vécus qu’aucune publication scientifique ne peut apporter. Ne pas prendre en compte ces observations partagées d’un discours de prix Nobel à la presse quotidienne est une erreur.

Personne n’aura jamais tout lu mais cette mémoire disponible permet de circuler dans les recoins les plus reculés de la galaxie Oncologie, en tenant compte des dates et des délais. L’impact des radicaux libres en biologie a été découvert au cours des années 1968/75 même si Henri Laborit y faisait allusion bien avant. Le concept d’homéostasie biologie redox d’une cellule vivante ne remonte qu’à l’an 2000. Ce sont ces paramètres et ces domaines qui structurent l’étiologie de la cancérogenèse et l’efficacité de différents traitements métaboliques. Ils disent qu’en pratique « tout se tient » et qu’il existe différentes voies d’accès à la physiologie. Ces paradigmes sont plus complexes que la biologie classique car précisément ils ne sont jamais indépendants les uns des autres. Les publications les plus récentes découvrent de nouveaux liens et des impacts au quotidien : il est normal qu’ils tardent à s’imposer. Mais il faut soigner sans attendre de résultats définitifs !

Il faut ouvrir un œil exercé, expérimenté des domaines scientifiques encore mal connus, pour y trouver de nouveaux repères et progresser. Lire les contributions de cancérologues depuis une cinquantaine d’années, permet de mieux comprendre les hésitations et les bégaiements de l’histoire : trop d’info tue l’info. Il faut effectivement se remettre en question et choisir des voies d’attaque plus directes et il est difficile de faire rentrer d’anciennes connaissances dans de nouveaux domaines. Il faut pourtant faire cet effort.

Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Afficher « La fin des maladies ? », N’est-ce pas une provocation ? Même avec un point d’interrogation ! Et sous-titrer « Une approche révolutionnaire de la maladie », alors que le nombre de malades augmente. Chacun se sent légitimement visé. Mais quelle pathologie est plus paradoxale que « le » Cancer ? C’est devenu en quelques décennies une maladie si multiple qu’on en arrive à des traitements personnalisés. Et s’il y a des millions de malades mais pas des millions de maladies ?

Laurent Schwartz s’inscrit dans une double lignée de médecine générale et de réflexion médico-épidémiologique. La médecine de père de famille comporte une bonne dose d’empathie qui n’est plus de mise dans un contexte administratif et économique prégnant. C’était faire de l’humour bon enfant que d’interroger la médecine « Art ou Science ? ». Pour les plus jeunes « Les Arts » renvoient à l’ingénierie et à l’empirisme d’adaptation nécessaire pour être efficace sur le terrain (et les 4 zarts de Brassens !) et « La Science » à l’approche théorique toujours incomplète des phénomènes observés. La réponse était bien entendu : les deux ! Aujourd’hui la réponse à cette interrogation indiscrète est devenue : ni l’un ni l’autre, mais bureaucratie, administration et finance !

Par-delà l’expérience pratique du Dr. Schwartz, cette réflexion médico philosophique s’inscrit aussi dans la réflexion de Mirko Grmek, épidémiologiste et historien dans les pas de Marc Bloch (L’étrange défaite), qui annonçait une « Troisième révolution scientifique ». (cf. G. Lambert, Vérole, cancer & Cie, La société des maladies, 2009)

L’approche du médecin et du vétérinaire est d’abord une volonté de soulager le malade et d’utiliser les énergies disponibles pour combattre des erreurs d’aiguillage métaboliques reconnues ou encore ignorées. En cela les résultats de la recherche ne sont jamais suffisants ! Il faut donc retourner sans cesse au chevet des malades et écouter l’évolution des maux pour renforcer son combat sans prétendre en « contrôler » tous les mécanismes.

La cancérogenèse est une asphyxie cellulaire devenue chronique qui met en route des engrenages pernicieux qui s’installent d’eux-mêmes au cœur de la vie cellulaire en se déconnectant de tissus voisins : une indépendance cellulaire qui s’isole du reste de l’organisme. La médecine métabolique se propose de traiter cet organisme dans son ensemble, de rétablir les liens qui régulent ces fonctions physiologiques énergétiques malades et de soulager ces dysfonctionnements par différentes techniques à l’efficacité reconnue même si les mécanismes intimes ne sont pas complètement éclaircis comme dans le régime cétogène, l’usage d’acide lipoïque, du bleu de méthylène ou de probiotiques. Et la médecine a aussi constaté l’efficacité de ces pratiques dans différentes pathologie lourdes : c’est ce qui permet d’être totalement confiant sur la démarche suivie et d’encourager le Dr. Schwartz.

Pour mémoire, la découverte de Ignace Semmelweis sur l’efficacité d’une solution de chlore pour prévenir la fièvre puerpérale autour de 1845/50 est resté inaudible pendant plus d’un demi-siècle. C’est en 1915 que cette pratique a été redécouverte sous la forme de la liqueur de Dakin qui fut imposée en chirurgie de guerre par Alexis Carel. Cet oubli s’est installé malgré les progrès microbiologiques des années 1890/95, de Pasteur et Koch et les techniques de cultures de M. Pétri. On peut se demander si le dédain de la médecine de l’époque envers les leçons de M. Semmelweis – « Lavez-vous les mains et la médecine sera plus efficace » – ne serait pas dû au fait qu’on a pu croire que la désinfection était un tour de main pour lutter contre la seule « Fièvre puerpérale », sans autre portée « scientifique » plus générale. Ainsi définir une maladie de manière étroite aurait bloqué les progrès de la médecine pendant un demi-siècle ?

Je n’ai donc aucun doute que cette pratique soit le chemin à suivre en ayant conscience, que le contraire des Lumières c’est-à-dire l’obscurité et l’inertie du droit à l’ignorance ne prime au quotidien. Déchiffrer les codes biochimiques de ces thérapeutiques permettra d’appréhender, de guérir et de prévenir d’autres pathologies lourdes, d’éliminer des « maladies » dont l’appellation provenait d’une autre époque, et de changer d’ère thérapeutique.

Par expérience personnelle cette attitude prévaut encore aujourd’hui dans bien d’autres situations pathologiques observables dans d’autres galaxies terrestres. Les cancers touchent aussi les mollusques et je reviendrai sur un autre épisode de cette guerre des cancers et des « maladies » qui n’en sont pas, dans la galaxie Ecologie !