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cancer-une-pandemie-apocalyptiqueLe Congrès mondial contre le cancer s’est tenu du 31 octobre au 3 novembre à Paris. Christophe Leroux, porte-parole de la Ligue contre le cancer, dresse le bilan. Interview

Quel bilan peut-on tirer du Congrès mondial contre le cancer qui s’est tenu ces derniers jours à Paris ?

Si rien ne change, nous nous dirigeons vers une pandémie apocalyptique à l’échelle planétaire. Mais la bonne nouvelle, c’est que nous sommes à un tournant, à la veille d’une révolution. Nous disposons de plusieurs leviers pour inverser la courbe de mortalité de cette maladie et faire largement baisser son incidence. Il existe désormais des thérapies innovantes ultra-performantes contre différents types de tumeurs, y compris contre celles réputées inguérissables, comme celle du pancréas. L’immunothérapie constitue ainsi une immense avancée. Quant aux « vieilles » chimiothérapies, on sait désormais mieux les associer entre elles. En prime, les traitements pour réduire les effets secondaires sont plus efficaces.

Le problème est que les tarifs des médicaments innovants sont fixés de manière très opaque. Et certains labos n’hésitent pas à associer d’anciennes molécules entre elles. Ils vendent ensuite ces cocktails très chers, en les présentant comme de nouveaux traitements. Faire baisser les prix est donc devenu un enjeu politique. François Hollande s’est emparé de cette question, tout comme Barack Obama et les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, Donald Trump et Hillary Clinton, qui, pour une fois, sont d’accord sur un sujet. La réaction de la société civile a également été très forte. Notre pétition sur les prix des médicaments a récolté près de 70.000 signatures.

De quelles autres armes dispose-t-on ?

Nous connaissons les principaux facteurs de risque du cancer. Il faut donc poursuivre les efforts pour lutter contre le tabac, cette arme de destruction massive qui tue une personne sur deux, l’obésité, la malbouffe, l’excès d’alcool… et préserver les pays émergents qui n’ont pas encore adopté nos mauvaises habitudes. Enfin, le cancer est facile à éradiquer s’il est pris à temps. La prévention joue un rôle très important. Elle passe par le dépistage, notamment au niveau du sein et de la prostate, par la vaccination contre le cancer du col de l’utérus…

Le dépistage organisé du cancer du sein est accusé d’engendrer des surdiagnostics. (A. Baron/SIPA)

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Certes, mais le dépistage organisé du cancer du sein, accusé de causer de nombreux surdiagnotics, est très critiqué, tout comme la vaccination contre le col de l’utérus

Ce sont des critiques de riches, faciles à lancer lorsqu’on vit dans un pays comme la France où près de 60% des femmes participent au dépistage du cancer du sein. Un cancer du sein pris à temps, c’est la garantie que les dégâts seront limités. Quant au vaccin contre le papillomavirus responsable du cancer du col de l’utérus, il est remis en cause comme moyen de prévention dans des pays où le frottis de dépistage est généralisé. Mais pensez aux pays africains où le dépistage est rarissime… De toute manière, le vaccin est utile partout, car même en France, des catégories de la population échappent encore au dépistage, dans les zones rurales et dans les quartiers populaires notamment.
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Tout le monde peut constater dans son entourage une explosion du nombre de malades, notamment parmi les femmes. Comment expliquez-vous ce phénomène ? 

Par le vieillissement de la population, la consommation du tabac et de l’alcool, un meilleur dépistage, mais pas que. Pour tout cancer, quelle que soit sa localisation, il y a une part d’inconnu. On ne comprend toujours pas pourquoi certains échappent à cette maladie et d’autres non. La génétique n’est qu’une partie de l’explication. Par exemple, on ne sait pas pourquoi le cancer des testicules, qui jusque-là ne touchait que de très jeunes hommes, frappe maintenant jusqu’à 35 ans. Cette zone grise, très préoccupante, mobilise les équipes et doit être explorée de manière scientifique.

Quel rôle joue l’environnement dans cette « zone grise » ?

Le cancer est une maladie multi-factorielle, l’environnement a donc très certainement un impact. On s’est ainsi aperçu que les acides gras trans contenus dans les gâteaux industriels favorisaient les cancers du sein.

La France est-elle bien placée en matière de lutte contre le cancer ?

Elle se situe dans le top 3 des pays en pointe, juste derrière les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, le taux de guérison est de 60%. Dans cinq ans, si l’on active tous les leviers dont nous disposons, nous pourrons gagner dix points !  Les plans cancer de Chirac, Sarkozy et Hollande ont par ailleurs changé l’image sociale du cancer. Le malade est désormais bien moins stigmatisé.

Propos recueillis par Bérénice Rocfort-Giovanni